Passions de gosse...

Publié le par Tristan


Premières passions

Jeune homme, ma  mère, eut l'idée de m'inscrire à des cours de piano. Je pense qu'à l'époque, à  la fin des années 50, ça faisait du bien au standing de notre très modeste famille... Ma jeune soeur, Isabelle, eut droit de la même façon à des cours de danse classique.

Il ressort de cette initiative de maman, qu'un grand amour allait naître en moi : la Musique. Et même si mon goût penche plutôt pour le classique, j'ai appris à aimer tous les autres genres.

La musique de variétés, la chanson de tous les pays, le jazz, la musique folklorique, la country music, et ses dérivés l'opéra et la danse. Je n'ai jamais oublié mon éblouissement lorsque j'ai vu la première fois Isabelle en tutu et chaussons dans le salon de notre HLM de Montreuil.

Mon premier piano, mon père l'acheta d'occasion et à crédit.

C'était le meuble le plus beau de notre appartement...

Et cet amour n'allait plus cesser de grandir... mes premières gammes furent douloureuses, souvent fausses...et cela me rappelle dans le carnaval des animaux de Camille St Saens, la séquence où est parodié l'apprenti pianiste (sourire) : tout à fait moi la langue pendante au dessus de mon clavier.

Mon professeur de piano Madame Tatiana Gildé, vivait dans le même immeuble que ma famille. Elle était afghane, et avait un adorable accent. Elle se prit d'une affection énorme pour moi, j'étais fier de plaire à cette fée du piano. Je crois bien que, même si j'étais prêt à aimer la musique, ce fut elle plus que quiconque qui affina mon goût. Elle me chouchoutait comme si j'étais son propre fils... lorsque j'attendais qu'elle termine avec son précédent élève, elle me gavait  de patisseries et de bonbons...

Son premier cadeau pour moi me parut merveilleux. Elle m'avait inscrit à une série de concerts. Et tous les dimanches matin pendant 3 ans, nous allions ensemble au théâtre du Chatelet à Paris pour y goûter toutes sortes de musique... son goût pour les compositeurs de l'Est me fit découvrir Bela Bartok, Chostakovitch ou Stravinsky, Scriabine et surtout Rachmaninov, etc..

Ce fut elle qui me poussa à me présenter à des concours de la scène française... mon premier concours me laissa des souvenirs à jamais gravés... Mon père nous emmena dans sa vieille Vedette à a la salle Debussy à Paris, près de la salle Gaveau où avait lieu le concours... Tatiana était malade en voiture et moi aussi, tout endimanché, costume chemise blanche, cravate à élastique (rires, c'est vrai !) et boutons de manchettes ... ma partition de Schumann sur les genoux... "Le gai laboureur"

La salle était déja pleine et le jury aligné sur la scène près d'un immense piano noir. Les candidats passaient par ordre alphabétique, ceux qui me connnaisent sauront pourquoi je suis passé le dernier.

Deux heures plus tard, résultat : j'obtenais un troisième prix sur 23 candidats

Après l'énoncé des résultats je fus invité à serrer la main du président du jury : l'immense Aldo Ciccolini...

Tatiana Gildé était en larme et mon père muet de fierté...

Quelques mois plus tard, nous fûmes invités à un cocktail pour y recevoir mon prix et le diplôme...

Tatiana, jusqu'à ce que nous déménagions et que mon père vendit mon piano, ne cessa plus de me pousser en avant avec cette passion un peu fougeuse qui caractérise les slaves... Son infinie tendresse pour le môme que j'étais me trouble encore 40 ans après.

Voilà ! je voulais ce soir rendre un hommage à cette femme qui m'a aimé comme une mère, mieux peut être que ma propre mère...

Je pense qu'aujourd'hui elle est morte... Je préfère l'ignorer et ne garder d'elle que le souvenir de  ses mains qui penaient mon visage quand elle me grondait parce que je n'avais travaillé mes arpèges ou mon solfège à la maison, quand elle me disait en roulant les r " Errrrric, mon chérrrri ! je suis en colèrrrre, tu ne trrrravailles pas assez... " et du coup comme j'étais toujours son dernier élève de la journée, ma leçon d'une heure doublait de durée, voire plus...

J'ai conservé pour elle un tendre souvenir...

Au revoir Tatiana...


undefinedMerci Kri

 

 

Publié dans tranches de vie

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B
c'est émouvant , touchant et si beau à la fois...et cela me fait penser à mes propres leçons de piano et de ma prof..mais je n'ai pas la mémoire aussi vive que la tienne j'ai oublié son nom..et les morceaux que je jouais..par contre sa voix ses yeux sa douceur et tout ce qu'elle m'a transmis pour la musique..je ne pourrai l'oublier..tu en as fait des choses palpitantes..je te félicite pour ce prix!! je suis toute "retournée" d'émotions par ton récit..mercibonne nuit..
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T
Merci ma chère Evelyne... Tu es vraiment une amie véritable... Et tu sais... quand on a touché à la musique de près on ne l'oublie jamais complètement... seul le temps peut manquer...Gros bisous